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Tite-Dent, première coopérative en dentisterie au Québec
Publié le 02 déc. 2025

Source : Revue Coopoint
Face à une hiérarchie sociale stricte et limitante et à la pression à la performance dans les cliniques privées, Ingride Emilcar, Cassandre Desjardins-Mallette et Vanessa Aubin Del Basso ont décidé de créer Tite-Dent, la première coopérative en dentisterie au Québec. Elle a ouvert ses portes le 22 septembre, dans la Petite-Italie.
« On était toutes les trois misérables dans nos emplois, indique Ingride Emilcar, coordonnatrice en soins dentaires. On s’est dit qu’avec ce modèle coopératif, on pourrait améliorer nos qualités de vie, et surtout, ne pas avoir cette pression de l’employeur qui nous dit tout le temps quoi faire. Je suis assistante dentaire. Dans les cliniques générales, je n’ai de pouvoir décisionnel sur rien, pas même sur mes gants. Ça va de ça jusqu’à la décision de voir un patient plus tard. »
Désormais, les trois amies, qui avaient déjà travaillé ensemble par le passé, mais jamais simultanément, partagent toutes les tâches, aussi bien professionnelles qu’administratives. Cela s’accompagne d’un fardeau financier et de plus grandes responsabilités, mais leur garantit de meilleures conditions de travail, donc un meilleur service.
Tarifs
« [Dans une clinique traditionnelle] il y a une pression sur le temps qu’on doit mettre avec chaque patient et pour facturer le plus possible à la fin de la journée, regrette Cassandre Desjardins-Mallette, chirurgienne-dentiste. Ça pesait trop lourd. »
Ainsi, à Tite-Dent, les travailleurs sont payés à l’heure, non à l’acte. Cela permet de prendre le temps nécessaire avec chaque patient et d’alléger l’horaire des membres. Le service s’en retrouve plus humain et le prix peut ainsi être conservé au plus bas, la mission de la coopérative étant d’offrir des soins abordables.
Pour ce faire, Tite-Dent a réduit au maximum les frais qui, indirectement, affectent la facture des patients. La coopérative n’emploie pas de secrétaire et n’a pas opté pour une décoration moderne, les employés s’occupent du ménage et Cassandre Desjardins-Mallette a réduit son salaire.
Surtout, Tite-Dent fixe ses prix en fonction de la grille tarifaire établi par le gouvernement du Canada. Là où certaines cliniques font payer plus que les montants remboursés par le Régime Canadien de soins dentaires, la coopérative a fait le choix de maintenir les prix 10% en dessous de la grille afin que les patients n’aient pas à débourser le moindre dollar.
Mission sociale
« On a des cas de gens qui ont vraiment besoin d’écoute et qu’on prenne le temps avec eux, explique Cassandre Desjardins-Mallette. C’est quelque chose qu’on offre ici. Il y a des personnes avec des déficiences intellectuelles, des traumatismes ou en situation de précarité. Le besoin est criant à Montréal et c’est pour ça qu’on a choisi de s’installer proche de chez nous, dans nos repères, pour essayer d’aider le maximum de gens. Les soins devraient être un droit fondamental, pas un privilège. »
Afin de rendre ses soins le plus accessibles, la clinique offre un accompagnement à sa patientèle qui souhaite s’inscrire au Régime Canadien de soins dentaires, en la soulageant de la lourdeur administrative que le processus peut représenter.
« Si une personne arrive ici et nous dit qu’elle ne sait pas comment s’inscrire, on va s’asseoir avec elle et l’aider, ajoute Ingride Emilcar. Ça n’est pas un fardeau pour nous de prendre 15 minutes pour faire une demande alors qu’on s’y connaît et que c’est notre domaine. »
Parcours
L’idée de créer une coopérative est d’abord venue de Stéphane Chiarello, beau-père d’Ingride Emilcar, chargé de cours en administration à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et actuel administrateur de Tite-Dent. Conscient que les trois co-fondatrices étaient insatisfaites de leurs conditions de travail, il a abordé avec elles la possibilité du modèle coopératif. Pour développer leur plan d’affaires, les trois amies ont participé au Parcours Coop.
Tite-Dent a terminé le programme en avril 2025, à l’issue de quoi elle s’est constituée en coopérative de solidarité. Le CQCM lui a remis sont Prix coup de cœur lors du 5 à 7 des finissants, le 22 mai, en reconnaissance de son modèle novateur en soins dentaires accessibles.
« Pendant sept mois, on a suivi les cours pour vraiment comprendre comment on allait faire la coopérative et pour comprendre ce que ça implique et ce que ça change d’être une coop, précise Ingride Emilcar. On a terminé le Parcours COOP en avril, puis on a ouvert en septembre. On a pris l’été pour construire, acheter le matériel et s’installer. Ça a pris un an avant qu’officiellement on soit prêtes à aller de l’avant avec notre plan d’affaires. »
Achalandage
Pour mener son projet à bien, Tite-Dent a pu compter sur de nombreux soutiens, dont la Caisse d’économie solidaire Desjardins, Investissement Québec, le Centre communautaire Patro Villeray ou encore Technident.
Afin de rencontrer la communauté et de se faire connaître, la coopérative a organisé un spectacle de musique avec Marco Calliari, le 20 août, au Ciné-Parc Dante, en collaboration avec la SDC Petite-Italie.
Grâce à ses tarifs abordables et son approche humaine, Tite-Dents a rapidement attiré une patientèle nombreuse, même venue de loin, dont certains ont fait le déplacement depuis Sherbrooke. Mais c’est une publication de Gabriel Nadeau-Dubois sur le réseau social X, le jour de l’ouverture, qui a multiplié l’achalandage.
« Gabriel Nadeau-Dubois a fait une publication vers 14h, puis à 14h03, le téléphone n’arrêtait pas de sonner, s’amuse Ingrid Emilcar. Les gens prenaient des rendez-vous en ligne, à tel point que ça a fait crasher le système. On a dû ajuster l’horaire. Les gens prenaient des rendez-vous à chaque heure, de 8h à 18h, on n’avait plus de pause dîner. C’est grâce à ça qu’on a eu un gros boom dans l’activité. »
Radio-Canada a ensuite dédié un reportage à la clinique, ainsi que des chroniques sur sa plateforme Ohdio.
Services
La coopérative offre des services de dentisterie générale, dont: des soins dentaires préventifs, comprenant le détartrage, le nettoyage ou encore le polissage; des soins dentaires esthétiques, incluant le blanchiment dentaire ou la fabrication de protège-dents sur mesure; des soins dentaires personnalisés adaptés aux besoins spécifiques des patients; des services d’urgences dentaires; et de la chirurgie dentaire.
« Comme Cassandre est une généraliste et une chirurgienne-dentiste, on offre beaucoup de traitements, mais on ne fait pas d’orthodontie, explique Ingride Emilcar. Toutes nos salles opératoires sont valides pour la dentisterie, autant que pour l’hygiène, donc on peut changer à n’importe quel moment. »
Installée au 275 rue Saint-Zotique Est, la coopérative dispose pour le moment de quatre salles. Tite-Dent est également locataire du local voisin, au 273 de la même rue. Un agrandissement de quatre nouvelles salles y est prévu dans la prochaine année et demie.
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